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 Quelques mots sur la situation en Grèce…

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Revoltaire
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Quelques mots sur la situation en Grèce… Empty
MessageSujet: Quelques mots sur la situation en Grèce…   Quelques mots sur la situation en Grèce… Icon_minitimeLun 8 Mar - 16:19

Quelques mots sur la situation en Grèce…


Après l’annonce des nouvelles mesures d’austérité le mercredi 3 mars (baisse du revenu total des travailleurs du secteur public entre 15 et 30 % et entre 5 et 10 % pour ceux du secteur privé, si on additionne les effets de toutes les mesures prises bout à bout), le principal syndicat du secteur public (ADEDY) a appelé à la grève pour le 5 mars (débrayage partiel) et pour le 16 (pour la journée). Le PAME, syndicat qui représente principalement les travailleurs du secteur privé, contrôle par le KKE (parti communiste de Grèce), a aussi appelé à une grève de 24 heures le 5 mars. Dans la nuit du 3 au 4 mars, les travailleurs licenciés de la compagnie aérienne Olympic Airways, jusqu’à récemment détenue par l’État, ont occupé le bâtiment central du Trésor.


Au matin du 4, le syndicat du KKE a occupé le ministère de l’économie, ce que la police, les médias et le gouvernement ont « toléré ». La « légalisation » des occupations de bâtiments publics comme moyen de lutte est un des reliquats historiques de décembre 2008. Dorénavant, elle est aussi employée comme une « publicité » par un parti parlementaire (le KKE) – principalement à destination de ses membres. Une manifestation (sans grève) fut appelée par les petites formations extraparlementaires de gauche et l’ADEDY le jeudi 4 mars après-midi à Athènes, et le KKE appela à environ 60 manifs séparées partout en Grèce. Cette première manif démarra en trombe, quelques minutes seulement après l’heure prévue, dans un mouvement tactique des partis de gauche qui prouvait clairement qu’ils ne souhaitaient pas prendre part à la confrontation avec la police (habituellement les manifs partent avec une heure de retard afin d’attendre que le maximum de gens se soient rassemblés). Environ 15 000 personnes y prirent part, mais il y avait quelque chose dans l’air qui « sentait la décadence ». Les gens marchaient et criaient sans passion, exprimant ainsi la compréhension générale de la situation comme une impasse. Le trait le plus caractéristique fut l’absence de la fraction du prolétariat (jeunes travailleurs précaires, étudiants et lycéens) qui avait joué un rôle majeur dans les émeutes de décembre 2008. Ils ne percevaient pas autant d’urgence dans la situation, à la différence de la nuit du 6 décembre 2008 quand « un d’entre eux » avait été assassiné et qu’ils furent à l’origine de 4 jours de chaos dans la ville. Leur absence peut s’expliquer par le fait que les mesures spécifiques ne changent pas tellement leur situation qui est d’ores et déjà très difficile. Même la majorité des militants du milieu anarchiste n’était pas là. Après un défilé rituel sur les avenues centrales d’Athènes (un chemin déjà emprunté un bon millier de fois), la manif arriva en face du Parlement. Les gens restèrent sur place pendant une demi-heure pour discuter et se dispersèrent. Quelques anarchistes brisèrent des vitrines alors qu’ils étaient repoussés en direction de leur « quartier d’élection », Exarchia. Pour aller du Parlement à Exarchia, on doit passer en face du bâtiment central du Trésor occupé. Les occupants avaient bloqué la rue avec des containers de poubelles. Quand les gens essayèrent d’y mettre le feu, les occupants les arrêtèrent et commencèrent à discuter avec eux. Quelques occupants disaient qu’« il ne faut pas mettre le feu », parce que la police viendrait et un de ceux qui voulaient bouter le feu leur répondit qu’il était un de ces « gens qui vous ont payé toutes ces années à ne rien faire », reprenant à son compte les conneries de la télévision et exprimant par là le chaos des micros intérêts conflictuels qui s’aggrave avec la situation de crise économique. 10 000 autres personnes prirent part à la manif du KKE plus tard ce même après-midi.



La manifestation suivante était appelée par les deux principaux syndicats (des travailleurs du secteur public et privé), le jour suivant à 13 h en face du Parlement, là où les mesures devaient être votées, prenant force de loi (le gouvernement socialiste vota les mesures de concert avec les députés du parti néo fasciste). L’événement le plus important eut lieu immédiatement : le président de la GSEE (le syndicat du privé dont le bâtiment avait été occupé en décembre 2008) n’eut que le temps de prononcer deux phrases avant que des centaines de gens ne se dirigent vers lui, depuis toutes les directions. Quelqu’un l’entarta, puis on lui lança de l’eau et il fut pourchassé tant et si bien qu’il dut se réfugier, d’abord derrière les flics, puis ensuite dans le Parlement. Cette situation souligne le fait que la GSEE est activement dénoncée et qu’il lui est devenu très difficile de jouer son rôle de syndicat réformiste dorénavant. Lorsque cela s’est passé, les députés de la « Coalition de la gauche radicale » étaient en train d’exhiber une banderole en face du Parlement, qui disait « La réponse doit être : humaine, quoi qu’il en soit ». C’était une affirmation explicite que le temps était venu pour que surgisse le concept d’humanisme (un des idéaux bourgeois les plus importants), et qu’il vienne appuyer l’aile gauche du capital dans sa tentative de constituer un humanisme éthique (pas très éloignée de la philanthropie), « contre » le néolibéralisme (alors qu’en fait ils sont justes complémentaires). Cela vient remplir l’espace politique vacant entre les principaux partis parlementaires et les petites formations gauchistes, puisque qu’aucune alternative sociale-démocrate ne peut actuellement être énoncée à partir de sources officiellement acceptables. Au même moment, un très vieux type (88 ans), membre de ce parti et bien connu pour avoir été un « héros de la lutte contre les Nazis pendant la Seconde Guerre mondiale », était gazé en pleine face par la police alors qu’il tentait de persuader les flics de relâcher un manifestant qu’ils venaient juste d’arrêter. Ceci montre le niveau de brutalité policière, mais cela permit aussi aux médias de brouiller leur présentation de la manif et de reprendre leur refrain préféré, celui de « condamnation de la violence d’où qu’elle vienne » et d’équilibrer l’attaque contre l’enfoiré de la GSEE par l’agression du vieux type par la police, en les qualifiant de deux « malheureux événements ». Cela permettait aussi de passer complètement sous silence le fait qu’exactement après la poursuite du président de la GSEE et pendant presque une heure, environ 100 à 150 personnes lancèrent des milliers de pierres sur la police, projectiles qu’ils produisirent ad hoc en défonçant la chaussée. La très grande majorité de la manif soutenait cette « guerre des pierres », exprimant leur colère et leur frustration : il n’y a aucune autre façon de lutter dans cette situation. Il n’y eut qu’un très bref conflit entre les gauchistes et les lanceurs de pierres, qui prit fin en quelques instants. Les gauchistes demandèrent aux gens de marcher sur le ministère du travail, parce qu’ils craignaient que ce genre d’événements ne puisse se répandre (même si cela ne semblait pas possible, mais on ne sait jamais). En face du ministère, quelques personnes affrontèrent la police pendant quelques minutes, essayant de forcer le passage pour entrer, chose impossible et qui n’avait qu’une signification symbolique. Après ça, la police augmenta la pression. Ils encerclèrent la manif et s’approchaient très près des manifestants, alors qu’ils repartaient vers le Parlement. Les flics se préoccupaient de sécuriser les vitrines des boutiques clinquantes alentour. Quand les gens revinrent à leur point de départ (en face du Parlement), il était clair qu’ils ne savaient pas quoi faire après la fin de la manif. Ce qui semblait le plus important, c’était que le nombre de participants était relativement petit. Environ 10 000 étaient venus à cette seconde manif (et encore 15 000 à celle du KKE), et si l’on considère l’impact de ces mesures sur la vie de millions de gens, le nombre semble vraiment petit. Il faut prendre en compte le fait que tous les transports publics (bus, métro, trains) étaient en grève pour 24 heures ce jour là, et que pour la plupart des gens il n’y avait pas de moyen commode de rejoindre le centre-ville (il semblait étrange à tout le monde que ces syndicats aient appelé à une grève de 24 h alors que l’ADEDY et la GSEE appelaient à une demi-journée). D’un autre côté, pas mal de gens trouvèrent un moyen d’aller bosser le matin et quittèrent ensuite le centre sans prendre part à la manif ou ne firent pas grève du tout. L’absence du « milieu de décembre » n’était pas totale le deuxième jour, mais leurs pratiques en étaient presque complètement absentes. Pas d’incendie du tout, même pas de tentatives de mettre le feu à quoi que ce soit. La composition de la manif (beaucoup de travailleurs âgés, plus ou moins stables, y participaient) et sa taille produisirent ce résultat particulier.



En quittant la scène des affrontements, on pouvait voir les licenciés de l’ex-Olympic Airways demeurant stoïquement devant le bâtiment central du Trésor. Il semble qu’ils n’attendaient rien d’autre que de l’argent en compensation de leur licenciement, alors que l’accord initial était qu’ils seraient reclassés dans d’autres compagnies nationales, avant la vente de Olympic au privé. Indépendamment de ce qu’ils pensaient, ils bloquaient effectivement une importante fonction de l’État par leur occupation. Un autre groupe de travailleurs, de ceux qui travaillent à l’Imprimerie nationale, en occupait le bâtiment et les machines d’impression afin d’empêcher la publication sur papier de la nouvelle loi ! En lisant le texte de loi, ils avaient découvert que la baisse de salaire dans leur cas était plus importante que celle qui était officiellement annoncée, d’où leur grève et l’occupation qu’ils avaient démarrée. Ainsi, en « défendant leurs propres intérêts », ils bloquaient l’impression de la loi et défendaient objectivement les intérêts de tous ceux qui étaient concernés par la situation. La tendance à ce que les différentes luttes fragmentées convergent indirectement du fait d’intérêts objectivement communs s’intensifiera peut-être et même s’accélèrera dans un futur proche. Après le mouvement étudiant, massif et violent, de 2006-2007, qui avait des revendications spécifiques et les émeutes de décembre qui n’avaient aucune revendication, ce mouvement semble ne pas savoir quoi demander, dans la mesure où l’impasse dans laquelle se trouve la reproduction capitaliste est patente partout et que l’alternative proposée est entre les mesures de la Banque centrale européenne et les mesures draconiennes du FMI.

Maintenant, tout le monde attend la grève de 24 heures du 11 mars (l’ADEDY, sous la pression des travailleurs, a avancé la date de la grève et la GSEE, pour éviter un possible lynchage de son président a du annoncer qu’elle y prendrait aussi part). Enfin et surtout, les principaux journaux nous ont informés aujourd’hui (7 mars) que la restructuration va s’intensifier dans le secteur privé aussi, avec la fin de toute forme de sécurité de l’emploi et davantage de baisses de salaire. Ceci va survenir parce que « nos partenaires européens » l’exigent. Dans les mêmes journaux, les politiciens néolibéraux écrivent des articles sur l’inefficacité des nouvelles mesures, demandant le licenciement de milliers de travailleurs du secteur public.

Comradely,

M
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