Quand les gendarmes traquent la drogue en classe Indignation dans le Gers après l’intervention musclée des forces
de l’ordre dans un collège de Marciac.
« Elle
n’avait jamais connu pareille violence », souffle Frédéric David. Ce
père de famille n’en revient toujours pas. Mercredi 19 novembre, sa
fille Zoé, quatorze ans, et ses camarades du petit collège de Marciac
(Gers) ont eu droit à une descente de gendarmerie scandaleuse : en
pleine classe, avec maîtres-chiens et fouilles au corps… Une opération,
menée dans le cadre de la « prévention » contre l’usage de drogue, qui
a tourné à l’humiliation pour beaucoup d’élèves.
un récit
accablant
L’affaire n’aurait jamais franchi les murs de cet établissement
tranquille sans la présence d’esprit de Frédéric David. C’est en
discutant tranquillement avec sa fille, le week-end suivant, que ce
père divorcé découvre tout. « Je n’en revenais pas, se rappelle-t-il.
Cela me paraissait tellement grave que je lui ai demandé d’écrire son
témoignage sur une feuille. » Le récit de sa fille est précis. Et
accablant.
Les pandores ont pénétré dans la classe quelques minutes après le
début des cours. « Nous allons faire entrer un chien ! Mettez vos mains
sur les tables, restez droit, ne le regardez pas ! Quand il mord, ça
pique ! », lance un gendarme. L’animal passe dans les rangs, renifle
chaque cartable. Les élèves sont tétanisés. La prof, visiblement pas au
courant, reste pétrifiée. Le chien s’arrête une première fois devant le
sac d’une amie de Zoé. « Le dresseur a claqué des doigts en disant :
"Sortez mademoiselle, avec toutes vos affaires !" » Le chien ne bronche
pas devant Zoé. Mais les gendarmes la font sortir quand même. Dans le
couloir, l’adolescente subit, comme tous les élèves suspectés, une
fouille en règle. Elle doit vider son sac par terre, enlever ses
chaussures, déplier ses ourlets de pantalon. « On dirait qu’elle n’a
pas de hasch mais avec sa tête mieux vaut très bien vérifier ! »,
aurait dit un gendarme.
Tout y passe… « Elle fouilla alors dans mon soutif et chercha en
passant ses mains sur ma culotte ! Les gendarmes n’exprimèrent aucune
surprise face à ce geste mais ce ne fut pas mon cas ! Je dis à
l’intention de tous "C’est bon arrêtez, je n’ai rien !" » Finalement,
Zoé ramasse ses affaires et retourne en classe. « La prof m’a demandé
ce qu’ils ont fait. Je lui ai répondu qu’ils nous avaient fouillés. Je
me suis assise et j’ai eu du mal à me consacrer aux maths ! » conclut
la jeune fille.
Frédéric David a évidemment cherché à joindre le principal du
collège. « Il ne m’a jamais rappelé, assure-t-il. Aussi, j’ai décidé de
publier le témoignage sur Internet. Il était impensable de ne rien
faire. » D’autant que l’affaire n’a rien d’un cas isolé. Le lundi 17
novembre, seize gendarmes, dont deux maîtres-chiens, ont fait irruption
de la même manière à l’école des métiers d’Auch-Pavie, toujours dans le
Gers. Selon la FCPE locale, qui, avec la FSU, condamne ces agissements,
pas moins de vingt-trois opérations de ce type auraient déjà été menées
depuis début 2008.
L’inspecteur d’académie, Jean-Marie Louvet, ne le nie pas. Et trouve
la polémique « excessive ». « Comme dans tous les départements, il y a
une convention entre la police, la gendarmerie, le procureur et
l’éducation nationale pour lutter contre le trafic de drogue. Nous
agissons pres- que toujours à la demande des proviseurs. » Tout juste
concède-t-il que, dans le cas de Marciac, « la préparation en amont de
l’intervention n’a pas été suffisante ».
Afin de tenter de calmer l’affaire, l’Inspection académique a
annoncé, vendredi dernier, qu’elle allait revoir ses procédures,
notamment l’information des élèves. « Mais on ne va pas suspendre ces
opérations, ajoute Jean-Marie Louvet. La loi s’applique partout. » De
son côté, Frédéric David appelle à un rassemblement vendredi prochain
devant le collège de Marciac. Sous ce mot d’ordre : « Oui à la
prévention, non à la terrorisation. »
Laurent Mouloud (l'Humanité)