Le théoricien de la LCR, Daniel Bensaïd, est mort
Le philosophe marxiste et théoricien de l’ancienne Ligue communiste
révolutionnaire (LCR), grande sœur du Nouveau parti anticapitaliste
(NPA), Daniel Bensaïd, est décédé ce matin à 63 ans. Il était gravement
malade depuis plusieurs mois.
Après avoir cofondé la JCR (Jeunesse Communiste Révolutionnaire) en
1966, puis compté comme l’un des principaux acteurs du mouvement de Mai
68, Daniel Bensaïd a participé à la création de la LCR, en avril 1969,
dont il a longtemps été membre de la direction. En 2008 et 2009, il
avait aussi contribué à la création du NPA, né en février dernier, dans la foulée de la dissolution politique de la Ligue.
Philosophe, enseignant à l’Université de Paris VIII, il a publié de
nombreux ouvrages de philosophie ou de débat politique, dont «Prenons parti pour un socialisme du XXIe siècle» (Editions
Mille et une nuits, 2009), en collaboration avec Olivier Besancenot.
Animateur des revues Critique Communiste et ContreTemps,«il a
participé activement à la création de la Fondation Louise Michel et
mené sans concession le combat des idées, inspiré par la défense d’un
marxisme ouvert, non dogmatique», rappelle le NPA, dans son communiqué.
«Un révolutionnaire d’actualité»
«C’est une très grande perte», vient de réagir, «avec beaucoup de tristesse», Alain Krivine, cofondateur de la LCR auprès de Libération.fr. «Il
appartenait à toute une génération militante qui avait fait ses preuves
en 1968. Il n’a pas, lui, abandonné le drapeau de la révolte et de la
résistance, il incarnait la continuité du combat révolutionnaire», décrit-il, à propos de celui qui conjuguait à la fois «théorie marxiste, sans en faire un dogme sectaire», et «militantisme de terrain». «Un révolutionnaire d’actualité», ajoute Krivine, soulignant son enthousiasme lors de la mise sur pied du NPA: «c’était la culture, la joie de vivre, la convivialité.»
«Il n'était pas un prof»
Contacté par Libération.fr, Pierre-François Grond, membre du comité
exécutif du NPA, se souvient de l’avoir rencontré pour la première fois
, «en 1982-1983», lors d’un stage d’été de la Ligue: «il était à la fois l’idéologue de la Ligue et jouait au foot avec nous, mettait les tables en place.» Proche d’Olivier Besancenot, il salue la mémoire de «celui
qui a permis, dans les années 90, de réactualiser le marxisme à partir
des grands bouleversements qui se sont produits». «Il a transmis ce
retour à Marx, en mariant l’ancrage dans l’Histoire et une certaine
modernité», ajoute Grond: «Il ne donnait pas une pensée toute faite mais des lignes de compréhension du monde, il n'était pas un prof.»
Les communistes, Marie-George Buffet et Pierre Laurent, saluent «une des figures les plus marquantes du courant révolutionnaire français», un «homme de grande culture», «simple et attachant» qui «n’aura
eu de cesse de revisiter l’apport de Marx à la lumière de l’expérience
historique et des enjeux théoriques et politiques de notre époque».
Evoquant un «grand penseur», «inspiré par la défense d’un marxisme ouvert et généreux», le porte-parole du PS, Benoît Hamon rend hommage à un «infatigable débatteur» qui était «un des théoriciens les plus solides intellectuellement» du mouvement trotskiste, «en France et dans le monde».
Le secrétaire national du PS, Christophe Cambadélis, qui avait un
temps milité à l’OCI (Organisation communiste internationale), autre
école du trotskisme, dit de Bensaïd, qu’il «appartenait à cette
catégorie de militants politiques pour qui la pensée politique n’était
pas une compilation de slogans et de formules, mais une dialectique de
raisonnements bien construits». «Il était un penseur exigeant et
attentif aux autres, cherchant toujours à comprendre avant de condamner
[...] Sa voix et sa plume manqueront aux débats passionnés de la gauche», écrit-il dans un communiqué intitulé «Salut Bensa!».
Le NPA organisera une soirée d’hommage militant le samedi 23 janvier à Paris.
vu sur http://www.liberation.fr/politiques/0101613356-le-theoricien-de-la-lcr-daniel-bensaid-est-mort
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En quelques jours de ce début de 2010 trois camarades du Nanterre de 1968 viennent de disparaître.
Dans l’ordre Jean-Pierre Montagut, Michel Guillou, Daniel Bensaïd.
La seule tristesse ne m’aurait pas incité à écrire ces
lignes si je n’avais pas vu dans ces disparitions (annoncées !) un
symbole que la proximité des dates fait apparaître.
Ils étaient tellement représentatif de ce que fut le mouvement du 22
mars dans sa profondeur et sa diversité !
Ils représentent à eux trois ce que peut être la
naissance d’un mouvement révolutionnaire alliant diversité, radicalité
et non dogmatisme. Tout cela me paraît terriblement actuel.
Jean-Pierre Montagut, l’anarchiste, un des piliers du groupe de la faculté de Nanterre.
Daniel Bensaïd, le trotskyste, un des piliers de la Jeunesse communiste révolutionnaire (JCR).
L’anarchiste et le trotskyste, symboles du binôme qui
constitua le fondement de la naissance du mouvement du 22 mars. Le même
accent et la même verve du Sud-Ouest, des provinciaux montés à Paris
pour les besoins de la cause et le plaisir de la subversion.
Michel Guillou, le prof radical et libertaire qui, avec
quelques autres de ses collègues (très peu !) rejoignirent ce mouvement
en lui donnant des allures qui dépassaient très largement le cadre
groupusculaire. C’était l’époque où les combats idéologiques
n’éradiquaient pas obligatoirement l’affectif… Ce fut sans doute une
des clés de la réussite nanterroise.
Ils avaient raison de s’apprécier au-delà de leurs divergences.
Un prof pas entièrement prof, un trotskyste pas
entièrement trotskyste, un anarchiste pas entièrement anarchiste, que
demander de plus ?
Ce fait de n’être pas « entièrement », d’être des
esprits critiques et caustiques, c’est ce qui leur a certainement
permis de pas se renier. Aucun des trois ne s’est laissé prendre par
les sirènes du pouvoir qui hurlaient si fort après 1968.
JPD
http://bellaciao.org/fr/spip.php?article96816