Collectif de Révolte Anti-Capitaliste Poitiers
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 Daniel BenSaïd à Alain badiou

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AuteurMessage
punkastor
gaucho baroudeur...
punkastor


Nombre de messages : 74
Date d'inscription : 12/10/2008

Daniel BenSaïd à Alain badiou Empty
MessageSujet: Daniel BenSaïd à Alain badiou   Daniel BenSaïd à Alain badiou Icon_minitimeSam 7 Fév - 19:05

Citation :
Réponse de Daniel Bensaïd à Alain Badiou....

Publié sur le blog "24 heures philo (Libréation.fr) : http://philosophie.blogs.liberation.fr/

La
révolution est devenue « un concept vide » et « même le NPA ne prépare
pas la révolution », dis-tu. La situation est en effet « comparable à
celle des années 1840 ». Au lendemain de la Restauration, survient un
moment de renaissance des luttes sociales et de fermentation utopique.
L’idée de révolution survit alors comme mythe, plutôt que comme projet
stratégique : « Ce qui s’est passé à l’époque, c’est une reconstruction
intellectuelle nourrie par des expériences ouvrières isolées : les
communises utopiques, le Manifeste de Marx, etc. » Cet « etc »
énumératif gomme le fait que s’esquisse alors une différenciation entre
socialismes utopiques et communisme, une transition du « communisme
philosophique » au communisme politique, que sanctionne, en 1848, la
rencontre d’une idée (le Manifeste) et d’un événement (la révolution de
février et la tragédie de Juin).

De même, depuis le tournant des
années 90 – le soulèvement zapatiste de 1994, les grèves de l’hiver
1995 en France, les manifestations altermondialistes de Seattle en 1999
– des différenciations sont à l’œuvre entre un antilibéralisme
résistant aux excès et abus de la mondialisation, et un anticapitalisme
renaissant qui remet en cause la logique même de l’accumulation du
capital. Reprend ainsi des couleurs, comme tu l’écris fort bien, «
l’idée d’une société dont le moteur ne soit pas la privée, l’égoïsme et
la rapacité ». Cette idée ne suffit certainement pas à refonder un
projet de renversement de l’ordre établi. Mais elle commence à tracer
une ligne de partage entre les prétendants à la refondation d’un
capitalisme moralisé et ses adversaires irréductibles, qui entendent le
renverser : « L’hypothèse communiste est une tentative pour réinvestir
le présent d’un autre biais que sa nécessité. »

Nous
partageons avec toi ces convictions et l’opposition intransigeante à
l’ordre établi. Nous sommes beaucoup moins d’accord avec la manière
d’aborder le bilan du Siècle auquel tu as consacré un beau livre. Tu as
raison de dire que les critères de jugement généralement appliqués à ce
qu’il est convenu d’appeler l’expérience communiste, sont ceux de
l’efficacité économique et des normes institutionnelles du monde
occidental. De sorte que le verdict est acquis d’avance. Suffit-il pour
autant, du point de vue opposé des exploités et des opprimés, de
constater que « les moyens adoptés ont été désastreux », comme s’il
s’agissait d’une simple erreur – ou d’une simple « déviation » comme le
soutint naguère Louis Althusser.

La question qui n’est toujours
pas réglée entre nous est celle du bilan du stalinisme, et – sans
toutefois les confondre – du maoïsme. « Du temps de Staline, écris-tu
dans ton pamphlet contre Sarkozy, il faut bien dire que les
organisations politiques ouvrières et populaires se portaient
infiniment mieux, et que le capitalisme était moins arrogant. Il n’y a
même pas de comparaison. » La formule tient, bien sûr, de la
provocation. Mais, s’il est indiscutable que les partis et le syndicats
ouvriers étaient plus forts « du temps de Staline », ce simple constat
ne permet pas de dire si ce fut grâce ou malgré lui, ni surtout ce que
sa politique a coûté et coûte encore aux mouvements d’émancipation. Ton
entretien à Libération est plus prudent : « Mon seul coup de chapeau à
Staline : il faisait peur aux capitalistes. ». C’est encore un coup de
chapeau de trop. Est-ce Staline qui faisait peur aux capitalistes, ou
bien autre chose : les grandes luttes ouvrières des années trente, les
milices ouvrières des Asturies et de Catalogne, les manifestations du
Front populaire. La peur des masses, en somme. Dans nombre de
circonstances, non seulement Staline ne fit pas si peur aux
capitalistes, mais il fut leur auxiliaire, lors des journées de Mai
1937 à Barcelone, du pacte germano-soviétique, du grand partage de
Yalta, du désarmement de la résistance grecque.

Ces différences
de jugement sur le sens et la portée du stalinisme sont la conséquence
d’une approche différente de l’histoire. Tu enregistred une succession
de séquences – le communisme-mouvement au 19e siècle, le
communisme-étatique au 20°, l’hypothèse communiste ouverte aujourd’hui
– sans trop te préoccuper des processus sociaux qui y furent à l’œuvre
et des orientations politiques qui s’y trouvèrent opposées. L’enjeu est
pourtant de taille, non pour le passé, mais pour le présent et l’avenir
: ni plus ni moins que la compréhension du phénomène bureaucratique et
des « dangers professionnels du pouvoir », afin de mieux leur résister
sans garantie d’y parvenir. Tu réduis ta critique du stalinisme à une
question de méthode : « On ne peut diriger l’agriculture ou l’industrie
par des méthodes militaires. On ne peut pacifier une société collective
par la violence d’Etat. Ce qu’il faut mettre en procès, c’est le choix
de s’organiser en parti, ce que l’on peut appeler la forme-parti. » Tu
finis ainsi par rejoindre la critique superficielle des ex-
eurocommunistes désabusés qui, renonçant à prendre la mesure de
l’inédit historique, font découler les tragédies du siècle d’une forme
partisane et d’une méthode organisationnelle. Il suffirait donc de
renoncer à la « forme-parti » ? Comme si, un événement aussi important
qu’une contre-révolution bureaucratique, soldée par des millions de
morts et de déportés, ne soulevait pas des interrogations d’une tout
autre portée sur les forces sociales à l’œuvre, sur leurs rapports au
marché mondial, sur les effets de la division sociale du travail, sur
les formes économiques de transition, sur les institutions politiques.

Et
si le parti n’était pas le problème, mais un élément de la solution ?
Car il y a parti et parti. Pour que s’impose à partir de 1934, le «
Parti des vainqueurs » et de la Nomenklatura, il a bien fallu détruire
méthodiquement, par les procès, les purges, les déportations et les
exécutions massives, ce que fut le Parti bolchevique d’Octobre. Il a
fallu anéantir, les unes après les autres, les oppositions. Il a fallu,
à partir du cinquième congrès de l’Internationale communiste, sous
prétexte fallacieux de « bolchevisation », militariser les partis et
l’Internationale elle-même.

Un parti peut au contraire être le
moyen –certes imparfait – de résister aux puissances de l’argent et des
médias, de corriger les inégalités sociales et culturelles, de créer un
espace démocratique collectif de pensée et d’action.

Tu
constates toi-même les limites des alternatives à la « forme parti » :
« On a beau parler réseau, technologie, Internet,, consensus, ce type
d’organisation n’a pas fait la preuve de son efficacité. » Il ne te
reste plus alors qu’à constater que « ceux qui n’ont rien », n’ont «
que leur discipline, leur unité ». Il paraît curieux d’aborder ainsi le
problème de l’organisation politique sous l’angle de la discipline,
pour en conclure que « le problème d’une discipline politique qui ne
soit pas calquée sur le militaire est ouvert. » Nous sommes bien loin
aujourd’hui, dans la plupart des organisations de la gauche
révolutionnaire, d’une discipline militaire et de ses mythologies. La
question de la discipline y est subordonnée à celle de la démocratie :
l’unité (la discipline) dans l’action est l’enjeu qui distingue la
délibération démocratique du bavardage et du simple échange d’opinion.
C’est ce que s’obstinent à ne pas comprendre tous ceux pour qui la
formule du centralisme démocratique – par delà sa dénaturation en
centralisme bureaucratique – évoque une discipline militaire, alors que
centralisme et démocratie loin d’être antinomiques sont deux aspects
indissociables d’un même processus. Ayant imputé à la « forme-parti »
les méfaits du stalinisme et exprimé ton scepticisme envers les formes
réticulaires censées s’y substituer, il serait intéressant de connaître
ta propre conception de l’organisation, dès lors que l’Organisation
politique, dans son nom propre, renverrait à une forme de collectif qui
ne serait ni parti ni réseau.

A la fin de l’entretien, tu
souhaites au NPA un score électoral de 10 % qui mettrait « un peu de
désordre dans le jeu parlementaire ». Mais, fidèle à ton refus
principiel de participation au jeu électoral, tu annonces ton refus d’y
contribuer : « Ce sera sans ma voix ». Tu avais souhaité de même, en
2005, la victoire du Non contre le Traité constitutionnel européen,
sans y apporter non plus ton suffrage. D’aucuns pourraient voir là une
coquetterie ou une inconséquence. Il s’agit en réalité d’une position
consistante, dont tu résumes bien les fondements dans l’entretien : Il
s’agirait de se garder d’un double écueil : « se définir à partir de
l’Etat » et « jouer le jeu électoral ».

Sur le premier point,
nous sommes d’accord. Le NPA ne se définit pas à partir et en fonction
de l’Etat, mais à partir des intérêts de classe, des mobilisations «
d’en-bas », de l’auto-émancipation, de ce que nous appelons une
politique de l’opprimé. Sur le deuxième point, tout dépend de ce qu’on
entend par « jouer le jeu électoral ». Si jouer ce jeu, c’est
simplement participer à des élections, le fait est que nous le jouons
dans la mesure où nous estimons que les rapport de force électoraux
participent, fût-ce de façon déformée, aux rapports de forces entre les
classes1. Mais si le jouer, c’est subordonner l’auto-organisation et la
lutte aux calculs et aux alliances électorales, alors nous ne le jouons
pas. Et c’est bien ce qu’on nous reproche quand on nous accuse de «
faire le jeu de Sarkozy » sous prétexte que nous refusons toute
coalition majoritaire dans les exécutifs avec le Parti socialiste. Aux
deux écueils précédents, tu en ajoutes un troisième, sur lequel nous
serons d’accord : « Savoir résister au fétichisme du mouvement, lequel
est toujours l’antichambre du désespoir. » Nous avons en effet combattu
avec constance « l’illusion sociale » qui oppose caricaturalement un
mouvement social, propre et sain, à la lutte politique, salissante et
compromettante par nature. C’est là un évitement de la politique qui
dans une conjoncture de défaite et de reflux, fait d’impuissance vertu.

Ta
conclusion sur le NPA relève du procès d’intention et du pronostic
hasardeux : « Cette combinaison de la vieille forme-parti à
justification marxiste, et d’un jeu politique traditionnel
(participation aux élections, gestion des pouvoirs locaux, noyautage
des syndicats) renvoie tout simplement au bon vieux Parti communiste
d’il y a quarante ans. » Passons sur le « noyautage des syndicats » qui
reprend une vieille formule de la bureaucratie syndicale, comme si les
militants révolutionnaires qui participent à la construction d’un
syndicat avec leurs collègues de travail y étaient des corps étrangers.
Et arrêtons nous sur ta proposition finale : « Pour le moment, ce qui
compte, c’est de pratiquer l’organisation politique directe au milieu
des masses populaires et d’expérimenter de nouvelles formes
d’organisation. » Cela compte, en effet. Et c’est ce que font au
quotidien tous les militants engagés dans les luttes syndicales, dans
le mouvement altermondialistes, dans les luttes sur le logement, dans
les réseaux comme Education sans frontières, dans le mouvement
féministe ou écologiste.

Mais est-ce suffisant ? Le « fétichisme
du mouvement » que tu dis redouter n’est-il pas la conséquence du
renoncement à donner forme à un projet politique - qu’on appelle cette
forme parti, organisation, front, mouvement, peu importe – sans
laquelle la politique, si fortement invoquée, ne serait qu’une
politique sans politique ?

Daniel Bensaïd (le 29 janvier)
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