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Par Antonin Grégoire | Universitaire | 11/05/2009 | 13H00
Comment la menace terroriste a été créée de toutes pièces pour répondre aux impératifs politiques d'Alliot-Marie et des ex-RG.
Le but d'un service de renseignement est de détecter et d'avertir
des menaces que le politique n'a ni le temps ni l'expertise de
percevoir. Problème : si le politique est en pleine parano sur
l'ultragauche et qu'on lui vend de l'islamiste, il n'en tient pas
compte, réduit les budgets, et, le jour où se produit l'attentat qu'on
lui avait prédit et qu'il n'a pas voulu entendre, il vire tout le monde
pour donner un exemple en pâture à l'opinion publique. Ce phénomène
s'appelle la politisation du renseignement.
Il y a deux écoles :
- Ecole Kennan.
Le renseignement doit être totalement séparé du politique. Les services
choisissent eux-mêmes ce qui doit être surveillé et sont donc plus
performant mais le politique les écoutera beaucoup moins.
- Ecole Gates.
Assumer à fond la politisation du renseignement : beaucoup plus de
confiance, mais les services sont obligés de donner parfois corps aux
paranos des politiques. C'est le cas de l'affaire Coupat.
La ministre de l'Intérieur a fait une analyse toute seule ! Sa
finesse politique lui a montré que le PCF perdait des électeurs et elle
en a donc déduit que l'extrême-gauche allait mathématiquement se
renforcer. Analyse auto-confirmée en voyant les manifestations anti-CPE
au 20 heures de TF1. La ministre évoque alors une « radicalisation
ressentie » ça ne s'invente pas.
Un fond de commerce des RG
La ministre fut un peu aidée dans son ressenti, il est vrai, par les
RG dont la mouvance anarcho-autonome est le fond de commerce et qui
vont bientôt disparaître, avalés par la DST dans la nouvelle DCRI.
La menace ultragauche est donc leur seul moyen de survie dans la
nouvelle organisation, et pour la ministre, un gros dossier terroriste
lui permettant d'exister politiquement. Pourquoi terroriste ? Parce que
c'est bien plus prestigieux politiquement que les chiens dangereux.
Durant l'été 2007, la ministre fait donc inscrire l'ultragauche à
coté des autres menaces terroristes (islamistes, Corse, ETA…). Et c'est
ainsi que la sous-direction antiterroriste de la nouvelle DCRI se voit
chargée de la mission ultragauche.
« L'insurrection qui vient » distribuée à la PJ
Et qu'est-ce qu'on a sur l'ultragauche ? Pas grand-chose… Alain Bauer,
le criminologue multi emploi de la ministre, pianote un beau matin sur
amazon.com et découvre l'existence d'un livre qui fait peur :
« L'insurrection qui vient ». Ni une ni deux, il en commande 40
exemplaires et c'est l'ensemble des pontes de la PJ qui se retrouvent
avec le livre sur leurs tables de nuit.
On en vient logiquement à chercher l'auteur… et puis on a déjà une
fiche sur Coupat mise à jour la dernière fois que les services US ont
transmis une info sur lui. Ils font très peur ces gens. Ils n'utilisent
pas de téléphone portable, se méfient du fichage et de la police : ils
préparent donc un mauvais coup. Historiquement, les ministères de
l'Intérieur ont toujours été aussi paranos sur les anarchistes que les
anarchistes l'ont été sur les ministères de l'Intérieur.
Juin 2008, soit un an plus tard, MAM recevra un rapport de 41 page :
« Du conflit anti-CPE à la constitution d'un réseau préterroriste
international : regards sur l'ultragauche française et européenne ».
Cas d'école de politisation : le « regard » commence exactement au CPE,
là où s'était arrêté la brillante analyse de la ministre. Et puisque
tout le monde a lu et relu le livre présumé de Coupat, le rapport taille une large place au groupe de Tarnac.
Pourquoi ces références quasi constantes du ministère à la RAF, à Action Directe
voire à 1917 ? Car il n'y a qu'en replaçant systématiquement
l'ultragauche actuelle comme étant aux prémisses d'une nouvelle
mouvance terroriste que l'on peut justifier de maintenir cette menace
dans la sous-direction antiterroriste de la DCRI.
Et les RG ont tellement bien convaincu la ministre que celle-ci
saute sur le dossier des sabotages SNCF et envoie tout ce qu'elle a,
caméras embarquées dans le grand style Sarko, arrêter ce groupe
« préterroriste ».
La ministre n'a aucune notion d'antiterrorismeEn fait, il est vital que l'arrestation de Coupat suive le même
chemin que n'importe quel dossier terroriste. Si Coupat n'était pas
présenté au juge antiterroriste, gardé à vue 96 heures, mis sur écoutes
etc., les ex-RG reviendraient aussi sec aux chiens écrasés dans le
prochain budget.
Peu leur importe l'issue de la procédure en vérité, tant que le
dossier suit administrativement la voie antiterroriste. La ministre,
elle, est obligée de soutenir ses alliés ex-RG, en réalité son seul
pied dans la nouvelle DCRI toute entière dirigée par Bernard Squarcini, sarkozyste pur jus qui envoie tous les dossiers importants au vrai patron.
Mais la ministre n'a aucune notion d'antiterrorisme. On ne fait pas
de com » sur le terrorisme anarchiste car tous les groupuscules
d'extrême gauche d'Europe vont se mobiliser pour « libérer nos
camarades » avec plein de bonnes idées d'action fournies par la
médiatisation de l'affaire et les références constantes au terrorisme.
Autre problème de taille : ce qui se fantasme sur l'ultragauche ne se
surveille plus sur les menaces réelles.
Non contente d'augmenter le risque terroriste en détournant les
services, la ministre en crée un autre qui n'existait pas à l'origine.
C'est la sécurité à la Sarkozy dirons-nous. Le conseil du jour : faites
attention à vous. Pas parce que Sarkozy le dit mais précisément parce
qu'il ne le fait pas.