Autogestion : Le LIP allemand a démarré
Menacés par la fermeture de leur usine, les grévistes de Bike Systems à Nordhausen ont relancé les chaînes de montage, provoquant un large mouvement de solidarité.
Comme à l’usine LIP de Besançon en 1973, les 135 ouvrières et ouvriers grévistes de Bike Systems GmbH à Nordhausen (Thuringe, ex-RDA), en lutte depuis juillet, ont relancé leur entreprise en autogestion. Au cours des nombreuses discussions entre travailleurs mais aussi avec les personnes venues en solidarité, dont les militantes et les militants anarcho-syndicalistes de la FAU, l’idée de redémarrer cette usine de fabrication de vélos, au moins pour une période, a fait son chemin.
Avant de se lancer dans l’aventure, les grévistes ont, avec le soutien de la FAU et du réseau de gauche syndicale Labournet, mené une campagne internationale. Il s’agissait d’enregistrer 1 800 commandes avant de relancer la production : objectif tenu avec des commandes de tous les pays d’Europe mais aussi d’Égypte, des États-Unis, d’Australie, du Canada et d’Israël !
« Strike Bike »
C’est donc un « Vélo-Grève » (strike-bike en anglais) qui est sur les chaînes de montage depuis le 23 octobre. Pour les salarié-e-s de l’usine, il ne s’agit pas tant de créer une coopérative (quoique l’idée existe, en dernier recours) que de se réapproprier temporairement l’outil de travail pour faire gagner la lutte. Dans l’édition du 4 octobre du quotidien Die Zeit, un des ouvriers, André Kegel, expliquait « vouloir prouver qu’on peut produire des vélos, pour qu’un investisseur reprenne l’usine ». Son analyse est que Bike Systems est rentable en produisant 200 000 vélos par an. Mais que depuis son absorption par Biria Gruppe, il lui fallait atteindre l’objectif impossible de 500 000 vélos.
Les « strike-bikers » ont eu un écho très positif dans les médias, soulevant partout une grande sympathie. Alors que le syndicat IG-Metall, assez discrédité dans la région, est aux abonnés absents, le soutien à la lutte est porté par l’extrême gauche, et la population locale. Et, pour la première fois, la FAU a forcé le respect de la gauche radicale et syndicale pour son rôle dans la lutte.
Le parti d’extrême droite NPD a également tenté d’apporter son soutien, qui a été publiquement repoussé par les grévistes. Quant aux pouvoirs publics c’est le silence radio : pas une visite à l’usine, malgré l’invitation qui leur a été adressée.
En lançant cette initiative originale et courageuse, en mettant en cause implicitement la propriété privée des moyens de production, les ouvrières et les ouvriers de Bike Systems ont « fait sortir » la lutte de l’enceinte de l’usine, et ont enclenché un grand mouvement de solidarité. La lutte en est renforcée, le moral des grévistes est excellent. C’est un exemple pour les entreprises menacées de fermeture ou délocalisation. Bike Systems est peut-être en train d’écrire un chapitre de l’histoire du mouvement ouvrier allemand.
Guillaume Davranche avec Émilie (Paris) et Willi Hajek (Berlin)
• Toutes les infos sont sur www.strike-bike.de et www.labournet.de
*Frei Arbeiter Union, la branche allemande de l'AIT, et pas la Formation Action Universitaire de le kneut