Collectif de Révolte Anti-Capitaliste Poitiers
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 "Tu crois qu'ils veulent me faire crever"

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AuteurMessage
manou
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manou


Nombre de messages : 1344
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Date d'inscription : 25/05/2007

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MessageSujet: "Tu crois qu'ils veulent me faire crever"   "Tu crois qu'ils veulent me faire crever" Icon_minitimeLun 28 Sep - 20:48

Citation :
Six
mois après son retour en prison à temps plein, en octobre 2008,
Jean-Marc Rouillan a appris qu’il souffre d’une grave maladie
évolutive. Alors qu’une nouvelle crise douloureuse le frappe
actuellement derrière les murs des Baumettes, personne n’est disposé à
lui donner un traitement adapté… en attendant une libération pour
raison médicale. L’ancien militant d’Action Directe s’interroge dans ce
qu’il serait permis d’appeler le «couloir de la mort lente».


Semi-libéré entre décembre 2007 et octobre 2008, date de son retour à
temps plein aux Baumettes suite à une embrouille
politico-médiatico-antiterroriste, Jean-Marc Rouillan avait été
hospitalisé d’urgence le 6 mars 2009 dans un état lamentable. Au
départ, des toubibs diagnostiquaient une banale grippe. La direction de
la prison des Baumettes parlait de dépression et enjoignait le militant
à consulter un psychiatre ! Finalement, transporté in extremis par les
marins pompiers à l’Unité hospitalière sécurisé interrégionale (UHSI)
de l’hôpital nord de Marseille, Rouillan a pu subir des examens
médicaux qui ont dévoilé l’origine de ses souffrances.

Le taulard le plus encombrant de France souffre du syndrome de
Chester-Erdheim, une maladie auto-immune évolutive qui s’attaque aux
os. Une saloperie plus rare encore que les maladies orphelines. Il
devient ainsi le 186e cas mondial. La différence entre le numéro
147.575 et les 185 autres cas répertoriés, c’est qu’il n’a accès à
aucun suivi sérieux, à aucun traitement efficace. Ce syndrome est si
rare que la recherche avance mollement de manière très empirique. Les
médecins bidouillent des posologies à base de corticoïdes et de
chimiothérapie. Le hic, c’est que ces «bidouillages» sont impossibles
en prison. Toute expérimentation médicale sur des détenus est interdite
par la loi. Le temps des cobayes humains est terminé et c’est une très
bonne chose. Mais en combien de temps la maladie va-t-elle ronger
Rouillan dans ces conditions ? Un an ? Un mois ?

C’est là que nous entrons dans un labyrinthe kafkaïen. Jean-Marc
Rouillan a demandé une suspension de peine pour raison médicale. Ce que
permet la loi du 4 mars 2002, dite loi Kouchner, comme on le sait
notamment depuis la libération d’un certain Maurice Papon. Pour
l’heure, rien ne bouge. Sans l’arrêt brutal de son régime de
semi-liberté, Rouillan aurait pu espérer une libération conditionnelle
en décembre 2008. Le «piège» est arrivé pile poil à temps pour éviter
qu’un nouveau militant du NPA doublé d’un éditeur-écrivain talentueux
ne vienne s’ajouter au concert anticapitaliste. Arrêté en 1987 avec ses
camarades Joëlle Aubron, Nathalie Ménigon et Georges Cipriani, condamné
à perpète, Jean-Marc Rouillan a terminé sa période de sûreté de 18 ans
en 2005. Quels motifs peuvent donc aujourd’hui justifier le maintien en
prison d’une personne qui y a survécu 22 ans dans des conditions
extrêmes (torture blanche, grèves de la faim…), qui a ensuite démontré
ses capacités d’intégration sociale en travaillant pour les éditions Agone
et en adhérant à un parti légal et qui, en plus, rentre totalement dans
les critères humanitaires définis par la loi Kouchner ? Un «expert» du
ministère de l’Injustice est attendu depuis des mois à la prison des
Baumettes pour examiner le cas d’un homme qui n’a rien d’un Hannibal
Lecter.

Coincé entre
quatre murs, privé d’ordinateur au mépris des lois et règlements,
Jean-Marc Rouillan s’interroge. «Rien de nouveau. Ni expert du
ministère, ni traitement, ni audience avec le juge…, explique-t-il à
l’encre rouge sur une lettre datée du 7 septembre et reçue le 25
septembre dernier. Rien. Quatre mois que les médecins du pôle des
maladies rares exigent que je sois sous traitement. Et tout le monde
s’en fout. Tu crois qu’ils veulent me faire crever ? Non, c’est la
démocratie !!! Impossible ! C’est bien là l’idée d’un extrémiste,
n’est-ce pas !»

En haut lieu, on veut plier Rouillan. On veut même le casser,
l’anéantir. Les princes noirs de l’antiterrorisme aimeraient le
soumettre et le voir ramper en demandant pardon. Faut-il rappeler que,
dans le droit français, aucune loi n’exige un quelconque reniement ou
repentir, notions religieuses, aux prisonniers libérables.
«Imaginez-vous Mitterrand exiger des regrets des généraux putschistes
algérois avant de les amnistier ?, demandait Jann-Marc Rouillan dans
ses Chroniques carcérales.
Avez-vous entendu parler d’un juge ou d’un journaliste ayant osé poser
la question à Papon ? à Aussaresses ? aux tueurs de l’OAS ? Sinon aux
cadres de Luchaire et de Giat qui ont approvisionné en matériels de
guerre les massacres de la guerre Iran-Irak ? Jamais ! Si vous avez
massacré des milliers de personnes, vous recevrez tous les honneurs. Si
vous n’êtes accusé que d’un ou deux assassinats, vous serez traité en
criminel.»

Face à cette barbarie féodale, quelle action envisager pour sortir
Rouillan des oubliettes républicaines ? En dehors de la poignée de
militant-e-s du collectif Ne laissons pas faire,
quelles voix s’élèveront enfin pour refuser qu’un militant gravement
malade pourrisse dans un cul-de-basse-fosse ? À l’évidence, on ne se
presse pas à gauche et au-delà pour être sur la photo. Les zanars ? La
plupart sont trop intransigeants vis-à-vis d’un «rouge». Sans parler de
la sempiternelle trouille d’être assimilés de près ou de loin à
feu-Action Directe. Le NPA ? Les nouveaux anticapitalistes se seraient
bien passés de l’adhésion de cet emmerdeur. Sur leur stand à la
dernière fête de l’Humanité
pas un seul livre de «Jann-Marc» n’était visible. Le PCF ? Après des
prises de positions publiques courageuses dans les années 2006-2007, de
bons papiers dans l’Huma,
des visites de prisonniers effectuées par des élu-e-s communistes, le
soufflet retombe. Les pétitionnaires drouadlomistes ? Il n’y a pas si
longtemps, quelques appels ont pu réunir artistes, écrivains,
philosophes, éditeurs, avocats, journalistes… Sans lendemain. Inutile
bien entendu d’attendre quoi que ce soit des sociaux-libéraux du PS.
Entre petites lâchetés, polémiques sectaires et business électoraliste,
le sort d’un rescapé des «années de plomb» ne pèse pas lourd.

Il
paraît que la peine de mort est abolie en France. Certes, la guillotine
est partie pour le musée des horreurs, mais, comme va le rappeler une
campagne de l’ARPPI en novembre, la peine de mort lente existe toujours dans le pays des Droits de l’Homme.
En maintenant Rouillan dans leur éliminatorium, c’est une partie de
notre histoire anticapitaliste commune, avec ses hauts et ses bas, que
les dominants censurent. Le veritable bilan critique des années 80
appartient à tous les acteurs de cette période, y compris à celles et à
ceux qui ont prôné la violence révolutionnaire dans toute l’Europe.

Ça suffit ! Jean-Marc Rouillan et Georges Cipriani (interdit de
semi-liberté après plus de 22 ans de prison et après purgé sa peine de
sûreté de 18 ans en 2005) ne peuvent pas servir indéfiniment de boucs
émissaires. Il faut tourner la page sans la déchirer, il faut libérer
les anciens militants d’Action Directe, il faut faire soigner Rouillan
avant que l’irréparable ne nous fasse tous complices indirects, par
indifférence ou passivité, d’une effrayante vengeance d’État.




Paco - Le Post, 28 septembre 2009.

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