Par David Servenay | Rue89 | 22/03/2009 | 12H46Le ministre des PME poursuit France 3 Centre, qui a consacré un long reportage à sa jeunesse de militant d'extrême-droite.
Cinquante ans est-il l'âge des regrets ? En tout cas, comme le révèle le blog LibéOrléans,
Hervé Novelli a lâché son avocat contre France3 Centre, attaquant la
chaîne en diffamation suite à un reportage où était évoqué la jeunesse
militante du secrétaire d'Etat chargé du Commerce. Il a même obtenu de la chaîne qu'elle retire le JT du 18 mars de son site Internet. Une charge étonnante, car le militantisme passé de Novelli est bien connu...
On n'est jamais si bien poignardé que par les siens... En l'occurence, par Serge Lepeltier, maire UMP de Bourges, et candidat à l'investiture de son parti pour les régionales de 2010
dans le Centre. Face à lui : Hervé Novelli, qui a refusé de tenir un
débat devant chaque fédération départementale pour savoir qui serait
investi. Dans les premières images d'un long sujet (8 minutes) diffusé mercredi 18 mars sur France 3 Centre, Serge Lepeltier ouvre les hostilités :
« S'il refuse les débats, dans les départements, est-ce
qu'il refuse justement ce positionnement ? Est-ce qu'il a peur que l'on
parle de cet ultra-libéralisme ? Est-ce qu'il a peur que l'on parle de
son histoire politique ? Je pose simplement la question.
- Quand vous parlez de son histoire politique, vous faites référence à quoi ?
- A son histoire politique, à chacun de regarder ce qu'elle est. »
L'attaque est (un peu) hypocrite, mais elle est limpide pour le premier assistant parlementaire venu. Né le 6 mars 1949, d'après sa bio officielle, Hervé Novelli
a versé dans l'activisme politique dès l'adolescence. En balayant tout
le spectre de ce que l'extrême-droite compte alors de mouvements : Fédération des étudiants nationalistes, Ordre nouveau, Parti des forces nouvelles... et surtout Occident,
creuset de radicaux, où il milite de 1964 à 1968. Le mouvement sera
dissout en novembre 68, après des heurts avec les groupuscules
gauchistes.
De ce passé, Hervé Novelli ne regrettait rien en 2005, à l'image de
ses anciens camarades, Alain Madelin, Patrick Devedjian ou Claude
Goasguen. Il disait alors au Monde :
« J'étais plus jeune que les autres, mais j'étais
spontanément du côté de l'ordre. A l'époque, il n'y avait rien entre
l'extrême droite et l'extrême gauche. Je n'ai pas un regret, Occident,
c'était un engagement anticommuniste dans lequel je me reconnais
toujours.
« C'est une époque révolue, il en reste une sorte d'amitié liée à
l'adolescence. Ne tombons pas dans le piège de la béatification de
l'extrême gauche et de la diabolisation de l'extrême droite. »
Chargé de mission des « métallos » de l'UIMMMoins connu est le parcours professionnel du secrétaire d'Etat
chargé du Commerce, de l'Artisanat, des Petites et moyennes
entreprises, du Tourisme et des Services. Comme le rappelle dans le
reportage de France 3 Centre Guillaume Delacroix, journaliste aux Echos
et auteur d'une riche histoire de l'UIMM, Novelli a frayé très tôt avec
les caciques de la métallurgie.
Encore étudiant à Dauphine, il se voit confier la gestion de la bibliothèque de l'Institut supérieur du travail (IST),
fondé par Guy Lemonnier en 1969. Guy Lemonnier, alias Claude Harmel, a
été pendant la guerre membre du Rassemblement national populaire de
Marcel Déat, un parti collaborationniste. Par anti-communisme farouche,
il devient ensuite l'un des meilleurs spécialistes du monde syndical,
notamment de la CGT. Journaliste, Claude Harmel met son savoir au
service des officines de l'UIMM.
Dans l'après-68, il est un des premiers à engager une vaste
offensive visant à promouvoir les idées libérales contre le
raz-de-marée gauchiste de l'époque. C'est comme cela qu'il a aussi
l'idée de récupérer les brebis égarées de l'extrême-droite... Alain
Madelin, Hervé Novelli, Gérard Longuet ou encore Anne Méaux, ancienne
d'Occident qui devient en 1976 attachée de presse de Giscard à
l'Elysée.
Le premier travail d'Hervé Novelli est donc un poste de chargé de
mission à la Chambre syndicale de la sidérurgie française. Il y reste
dix ans, de 1977 à 1986, en étant conseiller du président de cette
instance de lobbying patronal. Pour quoi faire ? En dehors du classique
travail d'influence de ce genre d'organisation, l'enquête de France 3
Centre pose la question du financement politique.
L'UIMM et le financement des politiquesC'est un secret de Polichinelle, mais visiblement, il embarrasse
aujourd'hui Hervé Novelli. Sans doute parce que la « marque UIMM » est
désormais entâchée d'une peu flatteuse réputation. Pourtant, c'est un
fait : l'UIMM a toujours financé les politiques favorables à ses
idées. Yves Bertrand, l'ancien patron des RG, le rappelle dans sa biographie
à propos de la présidentielle de 1974, où la métallurgie soutient
ouvertement Giscard, le candidat des Républicains indépendants :
« La logistique, le service d'ordre, ce sont les 'petits
gars' d'Ordre nouveau (...) qui les ont assurés, grâce aux enveloppes
en liquide de l'Union des industries métallurgiques et minières, la
fameuse UIMM, dont la gauche ne s'est jamais privée de rappeler qu'elle
descendait de l'ancien Comité des forges, le bastion des 200
familles. »
Evidemment, les « enveloppes » ne laissent pas de traces.
Contrairement aux nombreux journaux éphémères de l'époque qui,
fleurissant à chaque élection, viennent appuyer les campagnes de la
droite contre les candidats de gauche. En 1974, France Matin, tiré à 2
millions d'exemplaires, annonce la mise en place du « rationnement » si
François Mitterrand est élu.
Qui finance ? L'UIMM. Qui est le directeur de publication ? Claude
Harmel, que Madelin et Novelli décrivent comme leur « père spirituel »
lors des 40 ans de l'Association pour la liberté économique et le progrès social (ALEPS).
L'entrisme politique de la « génération Occident »Prochaine étape ? L'entrisme de cette « génération Occident » en
politique. En 1986, Novelli devient chef de cabinet du jeune ministre
de l'Industrie, des PTT et du Tourisme, un certain Alain Madelin. Sous
l'étiquette désormais très convenable de l'UDF... il est élu député de
l'Indre-et-Loire en 1993. Et là encore, sa bio officielle est limpide :
« Son mandat parlementaire sera particulièrement
remarqué pour son action auprès des entreprises. Il fondera ainsi le
groupe “Audace pour l'emploi”, réunissant une cinquantaine de députés
issus de la branche entrepreneuriale. »
On ne saurait mieux dire. Dans l'enquête menée par la brigade
financière sur les versements en liquide de l'UIMM, l'ancien
responsable des relations extérieures, Jacques Gagliardi, est formel :
L'argent allait « en direction de toutes organisations
qui pouvaient faire l'opinion : bureaux d'études, journalistes,
sociologues. (...) Cela consistait en de la distribution d'argent en
espèces à des hommes politiques de tout bord, hormis le parti
communiste ».
Les policiers ont dressé un constat accablant : juste avant les
échéances électorales (présidentielle et législatives) de 2002 et 2007,
les retraits d'espèces se multiplient sur les comptes de l'UIMM. Comme
par enchantement.
Diffamation, estime aujourd'hui le secrétaire d'Etat aux PME. Etre
ultra-libéral à l'heure de la crise n'est pas le meilleur
positionnement politique. Compte tenu de son statut, sa plainte va être
relayée par la ministre de la Justice, Rachida Dati. Le procès sera
certainement instructif.
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