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| Sujet: elric le necromancien et autres livres de moorcock Mer 4 Mar - 15:10 | |
| - Citation :
- Science-fiction. La loi ou le chaos
Avec le troisième opus de la saga Von Bek, Michael Moorcock enrichit d’une nouvelle touche son univers littéraire voué à une philosophie subversive et loin d’une fantasy simplette.
Allemagne 1933, le comte Ulric von Bek contemple d’un regard cynique la décadence de l’Allemagne se vautrant dans les " valeurs " du national-socialisme. Hobereau d’un autre âge, le comte n’aspire qu’à une vie retirée des affaires du monde lorsque les nazis tentent de lui extorquer son ancestrale rapière forgée des siècles auparavant. Von Bek refuse et se retrouve en camp de concentration. D’étranges rêves viennent le hanter, songes où dragons et batailles sauvages sont menés par un guerrier, albinos comme lui. " Faite ouvre du diable " est la devise des von Bek, et c’est un bien singulier commando qui vient sauver Ulric des griffes nazies. Le comte découvrira que la guerre contre le nazisme dissimule un conflit aux implications infinies.
Agé de soixante-trois ans, Michael Moorcock ne change pas. Celui qui a le plus contribué, au milieu des années soixante, à sortir la fantasy de ses stéréotypes caricaturaux - hélas toujours véhiculé par le cinéma - continue tranquillement de tisser la trame d’une ouvre globale regroupant l’ensemble de ses livres. Le postulat de base de Moorcock est simple : l’affrontement entre le bien et le mal n’existe pas, il y substitue un combat entre la loi et le chaos, entre l’ordre et l’entropie.
Le genre humain au milieu de ces forces n’aspire qu’à une seule chose : s’émanciper à partir de cet autre constat, " la justice n’existe pas ",
et qu’il faut donc " la créer " (2).
Pour l’auteur, le message est simple :
" Pensez et agissez par vous-même ; ne suivez pas les chefs ;
ne croyez en aucun dieu, aucun héros ou rédempteur, en aucune mythologie. "
Diable ! Une fantasy philosophique… sauf que Moorcock, dans les multiples préfaces et interviews, avoue sans fard l’avoir construit sur trois décennies, avec toutes les contradictions possibles, pestant surtout contre ceux qui ne voyaient dans ses différents romans que de pâles copies de Conan.
Pourtant, l’ensemble de ses cycles (3) sont surtout de merveilleuses histoires où - contrairement aux canons du genre -, le lecteur passe son temps à se demander si le " héros " va s’en sortir. Autre formidable atout de l’ouvre de l’Anglais, que l’on retrouve dans la Fille de la voleuse de rêves, l’interaction entre ses différents romans. Cette nouvelle aventure d’un rejeton de la famille von Bek nous permet d’entr’apercevoir une multitude d’autres " héros " moorcockiens, dont certains ont, depuis, accédé au panthéon de la fantasy.
Car le combat entre la loi et le chaos prend pour cadre ce que Moorcock appelle le " multivers ", un univers où, quelle que soit l’histoire narrée, elle a une influence sur la marche globale du monde, une sorte de vision littéraire et S-F de la mondialisation capitaliste. L’homme peut-il aller contre les forces qui l’oppriment ? Peut-il s’émanciper des mécanismes qui l’instrumentalisent ? Les réponses de l’auteur sont multiples, car LA vérité n’existe pas si ce n’est une : heureux le lecteur qui ouvrira pour la première fois un roman de Michael Moorcock.
Gregor Markowitz
(1) La Fille de la voleuse de rêves, Michael Moorcock, L’Atalante, 377 pages, 19 euros. Les autres titres de la saga von Bek - le Chien de guerre et la Cité des étoiles d’automne - sont disponibles au même éditeur et chez Pocket. · noter dans la même série, la Maison de Rosentrasse, édité en 1984 chez J’ai lu, mais épuisé.
(2) Préface d’Elric le nécromancien, Pocket.
(3) L’ensemble des cycles de Michael Moorcock sont chez Pocket.
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