http://www.lefigaro.fr/international/2009/02/17/01003-20090217ARTFIG00353-usa-des-juges-ripoux-au-service-de-prisons-privees-.php
Deux magistrats de Pennsylvanie ont reconnu avoir touché plus de
2.6 millions de dollars pour envoyer en détention des délinquants
mineurs qui ne méritaient pas une telle peine. L'histoire
a de quoi choquer. Deux juges de Pennsylvanie sont accusés d'avoir
envoyé des centaines d'enfants et d'adolescents en prison entre 2000 et
2007, en échange de 2,6 millions de dollars de pots-de-vin, payés par
les deux entreprises gérant des centres de détention. Mark
Ciavarella et Michael Cohahan, de même que ces deux sociétés, vont être
poursuivis au civil pour l'obtention de dommages et intérêts. Jeudi
dernier, ils ont tous deux plaidé coupables et reconnu avoir «conclu un
accord pour garantir la fourniture de jeunes délinquants» auprès d'une
société privée d'exploitation de prisons, PA Child Care et de sa
société jumelle, Western PA Child Care. En reconnaissant leur
culpabilité, les deux juges, qui restent en liberté en échange d'une
caution d'un million de dollars, encourent entre 7 et 25 ans de
détention. Les deux sociétés sont également poursuivies. «Il est
vrai que j'ai déshonoré ma fonction de magistrat», a reconnu Mark
Ciavarella, dans une lettre adressée au tribunal. «Par mes actes, j'ai
détruit tout ce que j'avais accompli par mon travail, et je ne peux que
me blâmer moi-même», a-t-il ajouté.
Un des centres pour les délinquants juvéniles gérés par PA Child Care, à Pittston, en Pennsylvanie. (AP)
Leur
système était bien rôdé : à chaque fois qu'un des deux juges envoyait
un jeune dans un centre de détention, l'entreprise qui gérait
l'établissement recevait des fonds de la part du comté de Luzerne pour
couvrir les frais d'incarcération. Autrement dit, plus le nombre
d'enfants incarcérés était grand, plus la commission et le pot-de-vin
reversés aux juges augmentaient. Au total, les deux juges auraient
permis à PA Child Care de toucher 58 millions de dollars.
«Les jeunes étaient des cibles faciles» Parmi les cas reçus en témoignage par le Juvenile Law Center,
une organisation de défense des jeunes basée à Philadelphie, figurent
ceux d'un jeune garçon envoyé 9 mois en prison pour avoir volé un
flacon d'épices d'une valeur de 4 dollars, d'un autre jeune condamné à
3 mois pour avoir volé de la menue monnaie dans une voiture ou encore
celui d'un garçon de 13 ans envoyé en camp de redressement pour avoir
exploré un bâtiment désaffecté. En sept années, plus de 5.000
adolescents de 13 à 18 ans ont été jugés coupables par les deux hommes
qui opéraient dans une ancienne région minière pauvre à majorité
blanche. Parmi eux, plus de 2.000 ont été envoyés en détention. «Les
jeunes étaient des cibles faciles. Beaucoup d'entre eux n'avaient même
pas d'avocats et quand ils demandaient un avocat commis d'office, on
leur disait qu'il faudrait attendre des semaines», en prison, selon une
responsable de cette association. En fin de semaine, le Juvenile Law
Center devrait déposer de nouvelles plaintes de plusieurs dizaines de
familles. L'objectif de ces familles souvent défavorisées et peu
instruites est double : laver le casier judiciaire de leur enfant, et
obtenir une compensation financière pour le préjudice subi. Le
jugement de Ciavarella et Cohahan ne devrait toutefois pas intervenir
avant plusieurs mois, et pendant ce temps, les jeunes concernés devront
rester en détention. Un juge spécial, issu d'un autre Etat que la
Pennsylvanie, a été nommé pour revoir tous les cas traités par ces
juges corrompus.